Au nord de ce monde, nous disons : les bols sont d’anciens crânes
A l’occident nous disons : tu portes en toi ta propre tombe
Au sud : prends soins des lieux qui s’ombrent
A l’orient : n’oublie jamais l’exister comme aval
Nous sommes faits de quelques vents – et de leur déclinaisons infinies
De celles qui n’ont pas encore fini de surgir
De celles qui vont faire frémir la forêt de pierre,
les oiseaux de fer, les quadrupèdes à roue et les hommes en tôle ondulée
S’il y a un peuple qui manque,
il y a aussi
un passé qui manque
chaque jour, en chaque lieu
dans ce qui ne s’épanche pas dans le toujours, partout
ce qui vit
ici
Nous ne sommes pas la source – il y a des étreintes invisibles
Couleurs
Un panier en osier, un tilleul planté, une faible chaleur,
une lumière liquide et franche baigne
Un jardin, un aïeul
Humeurs
Le monde après le bosquet, les yeux ronds
Matières
Rouges, les glaïeuls.
Blancs, les oeillets
Une éponge -
le passé comme jouissance
Odeurs
Une ruine dans le fossé, une pierre
aux yeux contradictoires
Sur la rive, une grotte, des broussailles et des petits chênes
Sangs
un rossignol sur le muret,
une amphore,
un vieux chant
Qui vient après le vent ?
Les tics ?
Ils portent une part confuse, des chants
Un enfant qui joue, le temps
Mélos n’est pas
sémantique
Nous ne sommes pas ce que nous sommes, des cordes
nous avançons dans l’air, pénétrons dans le jour,
nous n’avons pas encore fini de surgir -
de discordes, les pommes
(tout le contraire d’un argument)
peut-être
un amour
Arc, flèches, sifflets, bâtons, coquillages, blessures
buée, traces de doigts en lumières incertaines
et parfois
le blanc qui ressource
Un jour déjà, un jour encore,
il n’y a pas de jour opposé à la nuit- on danse -
fulgurations contradictoires,
passages
au passé composé,
le passé simple vient
en gouttes
Les passés
déroutent
D’autres mondes condensent
l’avenir, l’ambivalence,
incessante
balance
Magie de la conjugaison,
nous ne croyons plus
à la grammaire
l’image impossible
est toujours neuve
Contre-monde où les morts
parlent
de l’ancien plus réel que le vrai, cette vieillerie
nous frottons notre visage
qui s’éparpille
et cherchons le grand debout
De petites voix – hallucinogènes – creusent peu à peu des chemins
proximes au réel indicible, celui qui
tombe, celui qui
passe,
impénétrable
Aiôn, pulsio, big bang,
synchronie en train de se perdre
naissance ne dit pas commencement mais changement de monde -
un point d’élan
ce sont les indices
qui nous pleurent
Le ciel,
le regard maternel
penser continue
une mélodie, un chantonnement
On nous avait prévenu :
ce sont toujours des ancêtres
qui feront les récents
Et si l’inverse était (aussi) bon à prendre ?
Lorsque ce qui passe sort de ses gonds
nous réveillons le temps déchirant
où photosynthèse et respiration
murmurent d’un même champ
Un faisceau (fascis)
cette étrange terre souterraine, sombre
La curiosité est une sortie
Une fente minuscule en un noyau asème
entre le jour qui finit et celui qui commence
des poupées cassée, un chat s’est enfui
la pensée comme hallucination – sème
un grincement de l’âme
Père ? Mère ? Il n’y a que des fantômes
plus ou moins protecteurs
Un âge plus ancien
que l’humanité -
cet âge est un lieu
vieux comme délivre
dé-naître et revivre
n’est que bouleversant
Nicolas Zurstrassen
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